Trionfu di a Puesia
Trionfu di a Puesia
Description
La plupart des participants pratique la variante balanine de langue corse. Deux exceptions :
- l’acteur napolitain Orlando FORIOSO, qui a utilisé pour l’occasion un gromelot métissé de diverses influences.
- le poète Matteu SALVIANI, originaire du Boziu.
RÉSUMÉ
Entre 1975 et 1985, l’association VOCE CUMUNE a réalisé toute une série d’actions destinées à redynamiser la pratique du Chjama è Rispondi, la poésie improvisée chantée traditionnelle corse.
Des soirées, des rencontres, des ateliers ont été organisés, au cours desquels des enregistrements ont été réalisés, puis analysés. A l’issue de ces 10 ans de campagne, un ouvrage a été édité qui faisait le point sur ces recherches.
Mais il nous a semblé alors qu’une édition ne pouvait rendre compte de ce que nous avions découvert d’essentiel : que la liberté (d’improviser) est une longue préparation, et que l’improvisation nécessite autant de méthode que d’imagination. Et, enfin, que le hasard et les circonstances sont des atouts qu’il faut savoir jouer, et non pas déjouer.
C’est pour cela que pour rendre aux poètes ce qu’ils nous avaient donné, nous avons résolu d’utiliser leur enseignement pour en faire un spectacle en leur honneur, le « TRIONFU di a PUESIA », en tentant de mettre en œuvre dans tous les domaines (texte, scénographie, costumes, lumières, etc…) leur méthode de conduite des hasards.
NOTA sur l’extrapolation des pratiques de l’improvisation poétique dans le cadre de ce spectacle :
1) Canevas
Les acteurs disposaient de 4 canevas, créés par 4 auteurs différents. A chaque répétition, à chaque représentation, au moment d’entrer en scène, l’un d’entre eux était tiré au sort.
2) Personnages
- Chacun des acteurs avait son type défini : le jeune homme, la jeune fille (la muse), le vieux, la vieille, l’homme et la femme, et l’ « étrange ».
- Un grand sac d’accessoires était posé dans les coulisses, et les acteurs en prenaient au moins trois à l’aveugle. Ils devaient avec cela préciser le caractère du personnage. Ainsi, le soir de l’enregistrement, l’« homme » avait tiré un casque et des lunettes de pilote, et une chambre à air. Comme toute la Corse parlait de l’amerrissage forcé d’un canadair qui avait coulé et dont le pilote s’était échappé sur un canot gonflable, Dumenica BIANCONI qui jouait ce rôle a décidé qu’elle serait le pilote du canadair. Les autres ont du s’y faire !
3) Textes
- Les poètes, bien sur, assis à une table avec une carafe de vin, inspirés par Lisandrina qui leur soufflait des informations sur la situation, assistaient au spectacle en silence. Mais quand la lumière posée sur leur table s’allumait, selon le bon vouloir de l’éclairagiste, ils se mettaient à improviser jusqu’à ce qu’elle s’éteigne.
- Les chanteurs tantôt reprenaient le dernier vers des poètes, tantôt une phrase que leur lançait le « jeune homme », qui provenait d’un texte en écriture automatique de Ghjacumu THIERS.
4) Polyphonie
Nando Acquaviva, par les signes de la mimophonie, indiquait aux chanteurs les harmonies à placer sur la voix qu’il improvisait.
5) Scène
- La vaccaghja, ancien enclos pour les bœufs de labour était nue, habitée seulement au centre par la copie d’un menhir phallique de Filitosa à demi écroulé.
- Le jeu des acteurs et des chanteurs, imprévu par nature, était en permanence repris, souligné, ou effacé par l’éclairagiste sur le jeu d’orgue manuel.
- Une loterie apparaissait à la fin : la table ronde des poètes se relevait, et puis elle se transformait au final en trône pour la muse.
6) Masques
Dans la première scène, tous les participants prenaient au hasard un masque constitué par un véritable crane d’animal (bœuf, chèvre, bélier, etc…) fixé sur un support.
7) Musiques
Improvisées sur les grilles de la basse du Chjama è Rispondi.
TITRES ET DESCRIPTION DES OEUVRES
1/ BALLU DI L’ANIMALI MORTI (bal des animaux morts)
Instruments : Timbales en peau d’âne,
Orgue régale,
Violoncelle,
Cialamella (chalumeau à anche simple)
Tintenne (sonnailles de métal)
Sur le rythme de l’anapeste (deux brèves, une longue), décrit dans notre publication à la page 125 comme base rythmique du Chjama e Rispondi, les instruments jouent la ligne de basse qui sous-tend la mélodie traditionnelle la plus commune, jouée à la cialamella. (page 61 de la publication).
2/ CHJAMA E RISPONDI (joute poétique chantée improvisée)
- Accompagné sur la première strophe par un « currente » (contre-chant rapide), puis sans accompagnement.
- Les 2 poètes se lamentent sur la disparition du monde pastoral, des troupeaux, et sur les incendies pendant que les personnages aux masques d’animaux morts dansent en cercle.
3/ BALLU (seguita) (suite de la danse)
Improvisation sur le thème de la mélodie traditionnelle du Chjama e Rispondi
4/ MIMOFUNIA (mimophonie)
- Le premier poète est accompagné par l’orgue régale et la timbale. Puis le chant se poursuit sans accompagnement. Les poètes regrettent la mort de la muse, disparue comme les bergers et les troupeaux.
- Les chanteurs reprennent le dernier vers des poètes et improvisent en mimophonie.
Le thème : la muse est-elle morte, ou est-elle seulement disparue ? Son amoureux la cherche, l’appelle, l’invoque, reprenant tous les adjectifs que les poètes lui donnent (et qui sont listés dans notre publication pages 85, 86 et 87). - On entend alors des appels de bergers, qui cherchent eux aussi, la muse disparue.
5/ CANTU DI L’ANIME SVEGLIE (chant de l’éveil des âmes)
Sur la poésie de Ghjacumu THIERS, un dialogue s’établit entre l’acteur et les chanteurs qui tuilent les imperceptibles variations textuelles en improvisant des modulations mélodiques.
6/ CHJAMA E RISPONDI (poésie chantée improvisée)
Elle n’est pas morte, cherche-la. Elle n’est pas loin, et attends les bras ouverts. Mais non, je l’ai vue porter au cimetière. C’est trop triste, elle est autre part. Si il la cherche, il la trouvera. Qu’il demande aux bergers. Ne serait-elle pas dans nos verres ?
7/ CHJAMA E RISPONDI (poésie chantée improvisée)
On entend alors une suite d’accords sonnés par trois culombi (conques marines).
Thèmes : la confusion est à son comble : le pilote cherche son canadair à terre, la mère se prend pour la grand-mère, et l’ « étrange » a envie de pisser !
8/ CANTU DI L’ARMUNIA (chant de l’harmonie)
Polyphonie improvisée en mimophonie à partir d’une roue de loterie qui comporte sur un rang des modes, sur un second des accords, et sur le troisième des phrases. C’est l’ « étrange » qui la fait tourner et la bloque, donnant ainsi des indications à Nando qui se doit de faire avec.
9/ BALLU DI L’EQUILIBRIU (bal de l’équilibre)
- Sur le rythme de l’anapeste, mais plus rapide qu’au début, les instruments : cetera (cistre) pivana (flûte à bec en corne de chèvre) violon et nacchere (nacaires) effectuent des variations sur le thème mélodique qu’utilisait le poète « U Furcatu ».
- Thème : nous avons retrouvé la muse, à force de la chercher, que le théâtre corse fasse le tour du monde. Tout est remis en place, l’harmonie est revenue. C’est le triomphe de la poésie. On n’entend plus que musique et harmonie.